Maxime SUTRA, moniteur éducateur à la MECS

Portrait de Maxime SUTRA, moniteur éducateur faisant fonction de coordonnateur à la MECS de Foix.

Si je travaille dans l’accompagnement, c’est que je n’ai pas atterri là par hasard.

J’ai un parcours un peu chaotique. Je n’ai pas toujours été sage comme une image à l’école. Je suis sorti de l’école sans diplôme. Je savais que je voulais travailler avec l’humain. Le contact avec l’autre en général m’attirait.

Dans cette optique, vers environ 21 ans, je me suis inscrit dans des dispositifs de recherche d’emploi, notamment avec la mission locale.

En 2013 j’ai été embauché aux PEP09 par Denis Teyssier sur un “contrat d’avenir” à la maison du Prat. Ce contrat aidé a duré trois ans pendant lequel j’étais accompagné par l’institut de formation Erasme afin de passer mon diplôme de moniteur éducateur.

A la fin du contrat aidé en 2016, j’ai été diplômé et embauché à la maison d’enfants et j’y suis resté officiellement comme éducateur. Actuellement je fais également fonction de coordonnateur en remplacement d’une collègue depuis l’été 2024.

Je garde mon poste sur l’accompagnement éducatif à l’internat et les mercredis je viens sur un temps de coordination.

Pour résumer, il y a un peu d’administratif et un peu de lien avec les partenaires. Nous traitons toutes les questions de projets pour les enfants, pour qu’ils soient en adéquation aussi avec le projet d’établissement; le relais dans la rotation des équipes; l’accueil des nouveaux enfants… Nous construisons des projets pour nous renouveler constamment.

> Alors il y en a deux que j’ai choisies parce qu’elles symbolisent des choses qui me sont personnelles.

Il s’agit d’un lever ou coucher de soleil dans une forêt et d’un jeune homme qui est en train d’écrire.

C’est ainsi que je vois tout le paradoxe en moi.

J’adore être seul en forêt en quête de champignons ou en randonnée, explorer les sommets ariégeois. D’un autre côté quand j’étais jeune, j’écrivais des textes de poésies, des poèmes et puis du rap. J’étais souvent dans ma bulle à écrire. 


J’ai cruellement besoin de ces espaces d’isolement, comme j’ai cruellement besoin des espaces en collectivité, que je partage dans mon travail.

Dans mon travail j’essaye de partager avec les jeunes des temps dans la nature mais c’est parfois un peu plus compliqué parce qu’ils n’adhèrent pas forcément.

Par contre, l’écriture c’est un univers qui leur parle davantage. Cela a été l’occasion de monter des projets autour du rap.

> Sur les deux photos suivantes, une représente deux mains qui s’affairent à du jardinage, qui touchent la terre avec des petites pousses, et l’autre un microscope.

Celle avec les mains dans la terre, je l’ai choisie parce qu’elle représente mon arrivée à la maison du Prat. Je garderai toujours en mémoire, les mots de l’ancien directeur qui m’avait embauché [M. Teyssier] qui, pour résumer le métier d’éducateur, disait qu’on était un peu comme des jardiniers.

On essaye de créer les meilleures conditions possibles en travaillant la terre, en apportant des éléments et en plantant des graines, en espérant un jour, les voir pousser.

Des fois elles poussent, des fois elles ne poussent pas, parfois elles poussent dans 10 ans. Notre métier est de créer les meilleures conditions pour qu’elles puissent germer. On n’a pas le contrôle dessus.

La photo suivante représente un microscope. Je pense qu’on ne dit pas assez que c’est un métier où il faut aller chercher des choses très précises, très fines dans la relation à l’autre, cibler dans ses potentialités, surtout que les jeunes ont cette faculté de mettre tout un tas d’embûches notamment comportementales, justement pour qu’on n’arrive pas à voir leur potentialité, leur douceur. 
Ils se cachent derrière ces images de caïd ou d’agressivité alors que cela ne leur correspond pas forcément.

> Ensuite il y a trois images qui illustrent certaines choses du quotidien.

L’image avec les mains réunies en cercle représente pour moi la collaboration entre collègues ou partenaires, et la recherche de cohésion dans le groupe des jeunes. Surtout dans la société d’aujourd’hui où il y a de plus en plus d’individualisme. Eux, ici, ils sont forcés de vivre ensemble et en collectivité, et je trouve que c’est une des difficultés majeures du travail aujourd’hui, c’est d’arriver à recréer de la collaboration dans un groupe de jeunes.

L’autre photo représente des mains de personnes d’une même famille. Il se dégage de la tendresse de ce contact physique. C’est quelque chose dont les enfants qu’on accueille ont grandement besoin. On ne peut pas leur apporter cette tendresse physique, c’est une des difficultés dans mon métier je trouve. Par contre on la substitue par des attentions orales quand on essaye de les encourager et de leur montrer qu’on est attentionnés, qu’on peut être inquiets pour eux. C’est cette forme de “tendresse” qu’on apporte, même si eux ont besoin de plus.

Et enfin j’ai pris la photo des pompiers parce que des fois il faut « éteindre le feu ». Je n’ai pas besoin de beaucoup développer. On travaille beaucoup avec l’urgence des situations et on se brûle beaucoup. Même si on est au côté des jeunes qui subissent ce feu, à leurs côtés on peut aussi se brûler. Cela fait partie de notre quotidien dans nos métiers. Dans le contexte dans lequel on vit, la plupart des métiers du social et du médico-social ou même de l’éducation au sens large font face aux flammes.

> Je vais commencer par la patience… et il en faut ! Une patience illimitée même, quand on travaille avec des enfants et des adolescents. C’est beaucoup de répétitions, ils posent la même question plusieurs fois par jours, sur plusieurs semaines. D’une certaine manière, ils vérifient le cadre, si on est toujours là, si on tient bon. Ils ont aussi des périodes compliquées dans leur vie, surtout à ces âges-là, ils ont besoin d’expérimenter certaines choses, alors il faut tenir la barre et petit à petit, on peut voir des changements, des évolutions.

> Concernant la carte de l’adaptabilité, je dirais que l’accompagnement est un travail sur du long terme. Il faut avoir une forme de flexibilité, avoir des idées nouvelles, toujours expérimenter, trouver des solutions aux nouveaux problèmes qui se présentent. Ce qui est d’ailleurs très compliqué, parce qu’on est quand même dans un système légal contraignant mais qu’on respecte. On construit l’insertion des jeunes en s’adaptant à l’individu, mais parfois on essaie d’adapter l’environnement. Tout de même, on arrive petit à petit à faire s’adapter l’individu à son environnement, pour lui permettre de l’amener à de la stabilité, de la confiance et de l’estime de soi. Ainsi il devient acteur de sa propre histoire.

> En ce qui concerne la bienveillance, elle est primordiale pour les enfants, pour les adultes et pour les professionnels. Tout le monde en a besoin. Nous vivons dans une société où il y a de plus en plus de tension, de plus en plus d’isolement, de violence, et je pense qu’on a besoin de bienveillance les uns envers les autres.

Portrait réalisé par Landry Martinez, administrateur.

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