Depuis janvier 2019, la gestion du centre permanent d’accueil du Suc-et-Sentenac, a été confiée à notre association, les PEP 09. Elle a pris la suite des PEP de la Vienne qui, ayant trouvé là le lieu idéal où implanter des classes de neige destinées aux écoliers poitevins, en assura le pilotage pendant quelques années. Mais, bien sûr, ce centre avait eu une longue et belle vie avant les PEP…
Il nous semble intéressant de s’y plonger en redonnant la parole à celle qui a concouru, avec son mari, à écrire l’histoire de ce lieu important en Val-de-Sos, Jeanne Nayrou.
Une histoire qui s’imbrique dans celle de l’école laïque de Suc-et-Sentenac qui ouvrit ses portes à la fin du XIXe siècle, et court, intimement liée à l’histoire du couple, jusque dans les années 1970. Elle en avait conté les faits marquants en 1993. Voici quelques extraits de son récit…
« Cette école est « MON ECOLE » mais pour comprendre ce qu’elle a représenté dans ma vie, je vous convie à un voyage dans le passé d’une octogénaire … »
Jeanne Nayrou, mars 1993
1890 – 1960 : Le groupe scolaire de Suc
« En 1891 la commune de Suc et Sentenac compte 1143 habitants, en majorité agriculteurs et éleveurs de moutons aux revenus modestes, qui l’été vivent dans les pâturages de haute montagne».
C’est alors que «le Conseil Municipal de Suc-et-Sentenac répondit à l’appel de Jules Ferry, en construisant 3 écoles : en 1893-94, un groupe scolaire imposant pour Suc, […] quelques années plus tard, une école plus petite fut édifiée dans chacun des hameaux de Sentenac et des Bordes.
La moitié des habitants réside à Suc : d’où l’importance du groupe scolaire qui accueille une centaine d’enfants. Bâti à l’entrée du village, au-dessus du chemin départemental CD 18, il comporte plusieurs bâtiments dans le style des écoles de la 3eme République avec leurs fenêtres symétriques encadrées de briques rouges. Celles de l’édifice central s’ouvrent plein sud, face au Pic d’Endron. Au rez-de-chaussée, 2 grandes salles de classe et 2 préaux délimitent la cour, encadrée à droite par le bâtiment de la Mairie, à gauche par le bâtiment de la classe enfantine.
A l’étage est aménagé un appartement de fonction pour les trois maîtres d’école. En effet, jusqu’en 1925 un couple d’instituteurs exerce dans le grand bâtiment :le cours élémentaire échoit généralement à l’institutrice et son mari prépare au Certificat d’Etudes Primaires (CEP) les élèves des cours moyen et supérieur. Une jeune enseignante s’occupe des enfants du cours préparatoire et de la classe enfantine. »
En 1925 , la classe enfantine est supprimée, en 1932, c’est au tour du poste double.
Le 1° mars 1935 : Jeanne Delpy, institutrice, est nommée à l’école mixte de Sentenac :
« La situation scolaire a bien changé : supprimée l’école enfantine de mon enfance, supprimé le poste double de Suc dont la classe ne compte qu’une quinzaine d’élèves. La désertification a commencé et elle ira en s’accentuant. »
En 1942, Jeanne Delpy et Jean Nayrou se marient et Jean Nayrou est nommé, en octobre, à l’école de Suc. En 1945, il devient maire de Suc-et-Sentenac puis conseiller général du canton. Dix ans plus tard, il cesse son métier d’instituteur et est élu au conseil de la République devenu plus tard le Sénat. En 1957, Jean et Jeanne Nayron partent pour Foix.
1960 – 1970 : fermeture de l’école, aménagement des bâtiments en Centre Permanent d’Accueil
« Avec le temps, la diminution des effectifs s’accélèrera. Fermeture du Poste de Suc en 1960 ; les rares enfants qui restent iront à Sentenac. […] Dans la cour silencieuse les orties remplacent désormais les fleurs du parterre. Quelle tristesse ! […], mon mari ne supportera pas cet abandon. Une idée germe dans sa tête : redonner vie à cette école vide, en faire un centre d’accueil pour des écoliers venus d’ailleurs […] avec la participation de « pionniers » guidés par le souci de donner aux enfants de l’école publique de vraies vacances, et de les faire profiter d’un site grandiose et d’un climat exceptionnel, […] Leur association prendra le nom de « FUSUC » […] Jean Bordes, architecte départemental est chargé du dossier d’aménagement de l’école en « Colonies de Vacances et Classes de neige ». Au nombre des transformations envisagées : démolition de l’école enfantine,[…] construction de bâtiments qui respectent les caractéristiques de l’ancienne façade, […] préau couvert, 2 salles de classe, un grand réfectoire, une cuisine équipée, 5 dortoirs de 16 lits avec sanitaires, appartement du directeur, chambres pour les moniteurs, grenier de rangement, garage, chaufferie au mazout, laverie, réserves. »
En 1965, Jean Nayrou est élu adjoint au Maire de Foix et Jeanne Nayrou devient Maire de Suc.
« […] mon nom figure sur la liste élue le 14 mars 1965 dans ma commune, et les conseillers unanimes me demandent de remplacer mon mari. Malgré mes charges familiales j’accepterai. Refuser eût été un abandon, une lâcheté au moment où la réalisation du Centre avait été amorcée, mais n’était pas terminée ».
1970 verra l’accueil des premiers séjours pendant les vacances scolaires : colonies de la JPA de Toulouse, des CEMEA de la Haute Garonne puis de la FOL du Lot… Puis, en janvier 1972, place aux premières classes de neige ( 3 semaines) :
« Le miracle c’est l’arrivée à Suc-et-Sentenac, sur les conseils de Jean Rumeau, du responsable de l’importante Fédération des Pupilles de l’Ecole Publique de la Vienne. J’ai nommé Monsieur Bruneau. […] il sera, auprès des responsables poitevins, l’interlocuteur persuasif en faveur de l’implantation des classes de neige dans notre commune. Une aubaine, en ces mois d’hiver, l’arrivée de ces 2 classes d’enfants qui se relayaient pour un séjour de 3 semaines.
Travail scolaire, le matin, sous la direction de leurs maîtres assistés d’un normalien ou d’une normalienne de la Vienne, ski l’après-midi sur les pentes du Port de Suc desservies par 2 fils-neige communaux. […] Jacky Souquet, professeur au CEG de Vicdessos, a choisi d’en assurer la direction. Tour à tour animateur, skieur avec un égal bonheur, secouriste diplômé en cas de nécessité, il conduit allègrement « la Sauterelle » remplie d’enfants, vers les pistes du Port de Suc. […] Pour le seconder dans ces multiples tâches, un autre enseignant, Gilbert Racaud ».
En 1976, le centre est agréé « Centre Permanent de Classes de Nature » par le Ministère de l’Education Nationale. En 1977, Madeleine Souquet fille de Jean et Jeanne Nayrou devient maire de Suc-et-Sentenac … la relève en quelque sorte!
En concluant son récit, Jeanne Nayrou disait : « Cette école, […] est devenue le témoignage d’une volonté de survivre. C’est autour d’elle que tourne l’existence d’une Commune, au service de ses habitants, et de tous ceux qui, de loin, viennent profiter de l’espace, du soleil et de l’air pur de nos montagnes.
Aujourd’hui
Un lieu d’apprentissage et de partage
Depuis lors, le centre accueille chaque année un public varié : écoliers, collégiens, lycéens, étudiants, mais aussi des groupes de randonneurs, de sportifs, de musiciens et des membres d’associations. Tous viennent profiter de ce cadre exceptionnel pour découvrir la beauté des montagnes pyrénéennes.
Les activités proposées sont multiples et adaptées à tous les âges : randonnées, ateliers nature, découverte de la faune et de la flore, sports de montagne, mais aussi des activités culturelles et artistiques. L’objectif est de permettre à chacun de se ressourcer, de développer son autonomie et de prendre conscience de l’importance de préserver notre environnement.
Des valeurs fortes au cœur du projet
Le centre d’accueil de Suc repose sur des valeurs fondamentales : le partage, la convivialité, la responsabilisation, l’accessibilité à tous et l’éducation à l’environnement. Chaque participant est invité à prendre part à la vie du centre et à contribuer à son bon fonctionnement.
Un avenir prometteur
Aujourd’hui, le centre d’accueil de Suc est un lieu incontournable pour tous ceux qui souhaitent découvrir les Pyrénées ariégeoises. Grâce à l’engagement de ses équipes, il continue de transmettre les valeurs de Jean Nayrou et de faire rayonner le patrimoine naturel et culturel de la région.